La commanderie de l’Espitau Nau

La commanderie de l’Espitau Nau

Les statuts de Roncevaux de 1287, reprenant des articles antérieurs, mentionnent : l’Espitau nau, hospitale novum, au rang des commanderies, avec à sa tête un commandeur de l’ordre des Augustins désigné par Roncevaux. Il choisissait librement un clavier parmi les frères sous ses ordres, et participait à l’élection du prieur de Roncevaux, élection réservée aux titulaires résidant entre Bayonne, Sauveterre de Béarn et Tudela en Navarre, y compris Lespitau Nau. Tous les clercs portaient obligatoirement, à l’intérieur et à l’extérieur, en Navarre et des gaves à l’Ebre, une cape de bure.

Ces commanderies assuraient essentiellement l’approvisionnement de la maison-mère, en lui fournissant chaque année une quantité déterminée de blé et de vin, fixée par le prieur et le chapitre. La taxation ne pouvait être majorée ni minorée par le prieur sans le consentement de la majorité du chapitre. A partir du XVème siècle, les revenus de ces domaines agricoles, doublés en principe d’un hôpital, seront répartis en trois parts : une pour le prieur, une pour le chapitre, la troisième pour les pèlerins dans l’Hôpital général des Pyrénées à Roncevaux.

La localisation de Lespitau Nau à la maison Lacoste d’Arancou résulte de l’étude des conflits de pâturages et de bornage dans les terres de parcours de Lanneplaa et de Lauhire au XlVème siècle, où furent impliqués les pays frontaliers, gascons, béarnais et navarrais, et plus particulièrement les deux communautés limitrophes de l’espitau nau et d’Arancou, les Gascons de Came opposés aux Béarnais de Labastide-Villefranche.

Des témoins prêtèrent serment sur l’hôtel de Notre-Dame de l’espitau nau, au risque de créer une confusion avec Notre-Dame de l’espitau. La chapelle de la commanderie, où un hôtel était placé sous le vocable de Sainte-Catherine du Sinai, à l’image peut-être de Noste Done, alias Sainte-Catherine, patronne de l’hôpital et de l’église du quartier Gibraltar d’Ostabat. Le souvenir de la chapelle s’est perdu, mais non celui du cimetière qui l’accompagnait derrière la maison Lacoste.

Entr’autres privilèges, la commanderie, à l’instar des maisons nobles, disposait d’un moulin, le mouly sur le ruisseau de Lacoste, du nom de la maison. Elle possédait un bois bedat, dit d’Arancou ou de l’espitau nau, dont il reste deux survivances cadastrales, sous l’appellation de section du bois au nord du village et de chemin du bois au départ du bourg central.

L’accès au bois bedat, en propre prohibé, était en réalité réglementé, interdit au bétail durant un peu moins de trois mois, généralement entre le 29 septembre et le 25 décembre, de la Saint-Michel à Noël, en période de glandée. La récolte de glands était ainsi préservée pour les besoins de la commanderie. Et le reste de l’année, les habitants d’Arancou pouvaient y envoyer leurs bêtes librement, la traversée du bois restant possible en tout temps, à condition de pas s’égailler hors des chemins.

Il n’existe dans le dossier de bornage des terres de parcours aucune contestation sur la propriété et les limites du bois bedat, qui s’apparentaient à celles du village, à la maison le Bayle et au ruisseau du Ber, et avoisinaient la route d’accès d’Aquitaine en Navarre et le carrefour de la croix d’Arancou.

On trouve le témoignage d’un Bayle de Mur, au-dessus d’Escos, Ber dous Tacons, qui évoque curieusement le nom du ruisseau. Averti que du bétail étranger avait pénétré près du touron de Moncau, à la limite de Came et de Labastide-Villefranche, et dans le bois d’Arancou ou de l’espitau nau, il se rendit sur les lieux avec des gens de Mur et de Labastide, alors qu’il exerçait les fonctions de Bayle pour le vicomte de Béarn, et trouva un troupeau de vaches navarraises venu du départ de Lauhire, c’est-à-dire de la borne de Pausasac, où se joignent le Béarn, la Soule et la Navarre, autrement dit les villages d’Autevielle, d’Osserain et d’Arbouet-Sussaute.

La commanderie se trouvait à la charnière des côteaux de Lauhire et des landes de Lanneplaa, parcourus par Navarrais, Aspois et Ossalois, jusqu’au bord d’Oeyregave, aux chènes de l’Abbaye d’Arthous et au ruisseau Espiau Cau, frontière d’Arthous et d’Oeyregave. Parmi eux, deux serviteurs du monastère de Roncevaux, le maitre berger Dexeralde, et le vacher Michel de Baygur de Saint-Jean Pied de Port.

Le vacher Johanico d’Echeverri payait 80 florins annuellement de droit de pacage plus une vache au seigneur de Labastide, et au Seigneur de Came, tantôt 60, 70, jusqu’à 100 florins. Chacun hésitait dans ces conditions assure Johannicot de Chevesse, à louer les herbages controlés par le vicomte de Béarn et par le Seigneur de Gramont, allié de Came, tant que leurs représentants à Labastide-Villefranche et à Came ne s’étaient pas accordés.

L’importance de la commanderie apparait à l’énoncé de ses nombreux témoins. Sept frères de l’espitau nau, natifs d’Arancou, défilent en 1411 lors du différend entre Escos et Labastide opposant le seigneur de Gramont et celui de Labastide sur l’herbage de Lauhire frère Menaut deu Costurer (80 ans), frère Bertrand Dechart (88 ans), frère Guixar de Nangorre (61 ans), frère P. Clavier (55 ans), frère Bertrand de Bidaganh (70 ans), frère Bertrand Omaste (60 ans) et frère Menaut de Garay (55 ans).

Dans l’enquête de 1372 sont cités conjointement des témoins de l’abbaye d’Arthous, de l’abbaye de Sorde, de l’hôpital dOrdios, au nord de l’espitau nau, avec frère Johan de l’espitau nau, natif d’Arancou, nascut en Arancoynh, et frère Ber de Cruschague de l’espitau d’Arancou, fray de I’espitau d’Arrancoainh nascut en la medichs loc.

A l’occasion de l’information ouverte en 1393 sur les prétentions respectives de l’abbé de Sorde et du vicompte de Béarn dans le territoire de Peyrelandere, deux témoins de l’hôpital d’Ordios sont entandus, dont frère Bernard de Garay d’Arancou.

Le bois bedat de l’espitau nau s’avèrait insuffisant à la marche et au développement de son économie pastorale, utilisatrice des landes de Lanneplaa et de Lauhire. Utilisatrice privilégiée, au dire de Borthomeu de Fascentz d’Oeyregave, habitant Hastingues, qui ne vit jamais dans les terres de Came que des gens de Oeyre et de Hastingues, et de ceux de l’abbaye d’Arthous, de l’ôpital d’Ordios et de l’espitau nau.